Grand-père intérieur
Une forme très ordinaire, la relique du grand-père.
Elle s’étire dans un bois foncé, usé, abîmé, patiné.
abandonnée sous la poussière.
L’embout d’ivoire noir laisse passer l'odeur du passé :
une senteur de tabac fossilisé dans les parois du foyer.
Cette forme très ordinaire,
quelles pensées a-t-elle accompagnées ?
Elle a connu la bouche du disparu,
son souffle, son désir, son plaisir.
La fumée aspirée a voyagé dans un palais, très ordinaire.
Louannec, prés de Perros-Guirec
Je vois l'odeur intérieure à l'espace si iodé,
le rocher sculpté, scellé à la jetée,
mon pied s'y poser et errer.
La mer m'apprend le bord et l'horizon,
lui-même en elle-même, elle-même en lui-même.
Je la vois.
Elle donne le mouvement du moment.
Elle tonne les battements du temps.
Elle sonne l'avènement du vent.
Je vois le vainqueur des vagues du cœur
armer les lames de fond de l'âme.
Je la vois se hisser
et se laisser glisser sur le rocher,
sculpté de l'intérieur.
Il l'envoie longer le large, marier la marée, piétiner l'horizon.
L'enfant de mer crève le voile, creusé d'étoiles.
Il chausse les bateaux qui se dévoilent.
A l'heure du leurre intérieur,
il marche sur l'eau, un voilier à chaque pied.
Il équilibre les vagues.
Il nage dans le sable, un grain dans chaque main.
Il équilibre le vent.
Je vois l'instant figer le reste du temps,
fixer les restes du temps.
Je vois le temps noyer l'eau.
Je vois la voie lactée s'immoler
et cacher ses cendres et les sceller au temps, en un instant.
Je me vois revenir voir l'éternité sombrer dans les eaux et s'égrener
et s'égrener.