La Majuscule
Elle, la phrase, commence par une majuscule. Cela paraît ridicule mais n’est-ce pas la bonne formule ? La majuscule honore le premier mot ; cela lui donne de l’importance. Ce n'est ni le milieu, ni la fin qui bénéficie de cette distinction, c’est le début.
Parfois, le mot « Fin » est écrit tout en majuscule. Cela doit être important ces deux instants. Et si la majuscule du début n'était là que pour nous rappeler qu’avant, il y a une fin parce qu’il faut bien s’arrêter ? C’est connu : « Tout a une fin. » S’il y a une fin, ne serait-ce pas pour mettre quelque part le point final ?
Le point final ne serait-il pas une majuscule usée par le temps ? Une majuscule grosse comme un grain de sable, déposé là par le vent qui emporte au passage toutes les fins pour semer des débuts ailleurs ou plus tard. « Rien ne se perd », rien de secret. Tout a été dit sauf la suite. Ne dit-on pas d’un mort un « défunt » ? Et là, ce n'est pas le vent qui a changé le mot. Dans le livre de Pierre Danglesse, intitulé « De l’origine de la Majuscule », un chapitre s’intitule « La vie des Fins », « Fins » F.i.n.s. Serait-ce un moureur de culture qui aurait transformé « des fins » en défunts pour nous faire croire qu’il n’y aurait plus de majuscule après le mot « fin » ? Si chaque fois qu’une vie s’arrête paraissent « des fins » cela ne voudrait-il pas dire que naissent d’autres débuts de phrases ?
Et pour écrire un livre qui ne se termine jamais,
ne faudrait-il pas plusieurs vies ?
