La Porte (Elle) et le Pêne (Lui)
- Elle : Tu n’as pas froid ?
- Lui : Non, je sens la chaleur de l’appartement.
- Elle : Et l’air qui vient du palier ?
- Lui : Ça va, la chaleur se répand.
- Elle : Tu as remarqué sa clé ?
- Lui : Quoi, sa clé ?
- Elle : Elle grippe un peu ; ça ne te gêne pas ?
- Lui : J’ai l’habitude ; ça finit toujours comme ça, c’est l’usure.
- Elle : Il faudrait qu’il en change.
- Lui : Ça finit toujours comme ça ; il devra en changer.
- Elle : Pourquoi il attend ? Ça t’abîme en attendant.
- Lui : C’est toujours comme ça ; ils attendent le dernier moment.
- Elle : Pourquoi à ton avis ?
- Lui : Je ne sais pas. Peut-être qu’il tient à elle.
- Elle : Et toi, tu tiens à cette clé ?
- Lui : Peut-être qu’il s’est habitué à s’embêter avec elle ?
- Elle : Et toi, t’es-tu habitué à elle ?
- Lui : Peut-être qu’il s’en fiche. Il croit que je vais toujours t’ouvrir,
même avec une clé usée.
- Elle : Et toi, que crois-tu ?
- Lui : Je crois que la clé va s’user avant moi.
- Elle : Crois-tu qu’il t’écouterait ?
- Lui : Il ne me croira jamais si je lui parle.
- Elle : Moi, je t’écoute bien quand tu me parles.
- Lui : Toi, c’est pas pareil ; t’es habituée.
- Elle : Oui, c’est vrai. Te rappelles-tu la première fois que tu m’as parlée ?
- Lui : Oui, c’était à cause d’un problème de clé, tu restais fermée.
- Elle : Te rappelles-tu ce que tu m’as dit ?
- Lui : Je crois que je t’ai demandée si tu n’avais pas froid.
- Tu m’as répondu que tu sentais la chaleur de l’appartement.
- Je t’ai dit : « Et l’air du palier ? »
- Elle : Chut ! Il arrive. Il va encore poser sa main sur moi.
Ça ne te gêne pas ?
- Lui : Il met bien sa clé dans mon pêne. Tais-toi ! Le voilà !