Le Chou pommé

 

Je comprends à l’instant que je vais naître autrement que dans un chou. J’aurais préféré. « Un chou de pomme » comme le dénomme son amie Simone. Embryon, je bretonnais côté mer et côté terre. Un « zec », ancré à l’extrémité du nom, identifiait ma mère. Au moment de l’échouage, ça tangue dans mon liquide amniotique avec un flot de points d’interrogation, transformés en marée bitumée. Je l’entends s’interroger : «Avec ces années passées chez les sœurs, je me retrouve habitée. » Elle poursuit sa croisière en hissant ses peurs : « Comment va réagir le Père ? Va-t-il me jeter à la mer ? » Avec les vagues du Landernau, il faut que j'apprenne à nager dans mon liquide protecteur pour profiter de mon landau. Avant de boire la tasse, je m’accroche aux questions posées, ramenées par la marée. Chacun sa bouée ! J’aurais aimé naître dans un chou pommé. Mon agriculteur de grand-père se serait calmé. Ça brasse à nouveau. Je sens l’orage se pointer.

Ne pas échouer !

De son côté, la gardienne de mon corps s'interroge encore : « Rester, partir, attendre du secours ? Dans quel port se réfugier ? » Décidé à tenir le bord, je m’accroche tant bien que mal au bastingage. J’essaie de la suivre dans le creux de la vague. Telle est ma destinée ! L’inconnu n’est pas revenu dégazer. Ma mère aurait dû mieux lire la bible. Elle se serait aperçue qu’il n’y a pas que du bon dans l’amour du prochain. Je ne peux pas lui expliquer ; chacun sa place. Je suis là pour naître en passant ma tête par le hublot. En attendant, je suis en train de me les geler en repêchant les questionnements qui polluent mon environnement.

Dans un chou, ce ne serait pas arrivé.

Pour l’instant, je reste patient sinon je sens que ça va énerver ma maman. Je ne veux pas qu’elle se fasse du mauvais sang. Il faut se serrer les coudes. Je crois qu’elle a besoin d’un coup de main ou d’un coup de pied. Voilà ! Ça va lui faire plaisir. Je sens ses mains posées sur son ventre et le mien. Je l’entends parler avec le médecin. Si je lui en redonne un autre de bon cœur, c’est sûr, ça va la toucher. C’est décidé. Je sors dans moins d’un quart d’heure pour voir son bonheur.

Accoster !