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Lettre à l'artiste

 

 

Je crois que vous avez commencé à photographier en filigrane noir et chair notre âme.

C'est trop beau pour être vrai et trop vrai pour être seulement beau.

L'auteur des « Lettres à un jeune poète », l'écrivain Rainer Maria Rilke, semble diffuser sa pensée dans les ombres qui recouvrent les corps sacrifiés à l'esthétisme. Curieusement, vous pourriez illustrer le « Cantique des cantiques » : « N'avez-vous point vu celui qu'aime mon âme? »... « et l'être féminin que nous sommes tous au delà de nos différences biologiques, au-dedans de nous-mêmes, cet être féminin Le cherche, croit le saisir, mais doit aller plus loin encore en lui-même, mourir à sa

« noirceur » et ressusciter à une autre lumière pour l'approcher...» Si l'auteur de ces lignes, Annick de Souzenelle, voyait vos photographies elle vous dirait peut-être : «-Adam a en face de lui le côté de lui-même qu'il ne savait pas être...» L'être masculin, lui, ne serait qu'obscurité ? Comment faire autrement ?

Ne s'agit-il pas de notre avenir sans faire appel à un dieu ?

Vos photographies communiquent à la vitesse de la lumière avec notre être. La lumière, bien sûr ! N'est-ce pas ainsi que le soleil a commencé par s'exprimer, à fleur de terre, avant que l'homme et la femme n'existent et ne soient différenciés. Vous avez réussi là où les engins sophistiqués balbutient, en ouvrant une fenêtre sur l'espace et le temps, en même temps. Où se trouvent réunis ces deux infinis sinon en nôtre âme ? Oû prend-elle corps sinon dans l'être féminin masculin retrouvé ? Je souscris aux propos de la critique Carole Stévenin : «...Le regard posé sur vos œuvres se perd dans l'espace,...dans la profondeur d'un noir absolu jusqu'à la naissance de la vie sur la terre.»

Chacune de vos photographies frise l'éclipse totale.

La précision de votre travail semble indiquer qu'il ne s'agit plus d'un cheminement mais d'un aboutissement. Pourtant, est-il inconcevable d'imaginer que vous gardez pour vous ou en vous l'ultime photo qui tenterait de reproduire le « noir absolu », l'obscurité totale qui représenterait tellement ? Ne serait-elle pas la photographie qui nierait l'artiste tant elle serait un accomplissement ?