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Mona

 

Samedi dernier, hier en fait, le 17 mai, jour de sa fête, enfin celle du saint qui porte son prénom ou l’inverse, le messager du jour, Yvan, à l’accent coloré, marchand de foie gras au comptoir du Sud-Ouest lui a désigné la Bethsabée du magasin d’à côté. Une fois passé devant la vitrine de « Moda Lorna », le

« baptisé » de fait a continué son chemin dans Aix-les-Bains, cette fois-là. L’homme de foi, lui, messager de surcroît, désirait, en fait, converser avec une Bethsabée même mariée, une façon de s'exiler sur quatre pieds. Le lendemain, aujourd’hui en fait, en revenant de chez l’égérie de sa nuit, le passager s’est arrêté devant la boutique. La femme recommandée y chausse sur pieds les désirs exprimés. Une fois dans son antre, il survole les modèles et il la voit. Il la voit si belle. Sa beauté naturelle, délicieusement soulignée par des vêtements ajourés, qui habillent et déshabillent les lignes et les courbes de son corps, est, pour lui, une façon d’aimer. Après un échange des plus ordinaires sur les chaussures qui conviennent, il se laisse faire en essayant une paire, une façon d’être deux. Devant la Bethsabée qui s’agenouille comme pour prier, la paire d’yeux du baptisé voile d’un regard une des paires d’attraits de celle qui prend son pied. Après un échange des plus doux, il paie, une façon de régulariser. Il rentre chez lui, une façon de se séparer. À peine arrivé, il désire la retrouver. La partie mystère d’un hémisphère compose déjà son air : la rappeler pour lui déclarer qu’il n’a pas la crème souhaitée et qu'il va revenir la chercher. De l’autre côté du combiné, la jeune Bethsabée l’informe que le magasin sera fermé en fin de matinée. C’est plus que parfait. L’alchimiste de l’instant n’a pas à se précipiter. Il se demande même s’il ne va pas lui préparer une invitation à déjeuner, c'est dimanche. Elle est mariée, c’est la seule réalité connue, communiquée par son messager, l’homme de foi de fait. De sa beauté, ils sont deux à partager ce point de vue de leurs vues.

Il est revenu. Des badauds sont en train de sortir du magasin sans avoir trouvé chaussures à leurs pieds. Il rentre. Ils sont seuls. Il a mis une chemisette «Carnet de vol», taille «M». Il s’est rasé. Justement, il s’est coupé, une façon de saigner. D’emblée, il lui demande comment arrêter cette incongruité, une façon de concocter un contact. Elle part chercher la réponse à la question posée et elle appose sa solution sur l’extrémité coupée, une façon de toucher. Il la regarde. Qu’elle est belle ! Les traits de son visage, tous réguliers, révèlent une finesse rêvée. Toutes les parties de son corps qu’elle laisse paraître et disparaître sont menues et équilibrées. Le baptisé et Bethsabée en reviennent à l’objet de sa venue. Elle a préparé un produit nouveau, introduit dans un flacon. Elle lui vante les qualités de ce nouveau-né. Il aime sa façon de faire, une façon de partager. De toute façon, il achètera sa réponse à la question posée. La crème pour chaussures noires semble si étonnante qu’elle est blanche. Il sent son cœur pâlir ; c’est bon signe. Cela veut dire qu’elle le touche vraiment. Comment peut-il exprimer son désir sans noircir ce moment ? Il dit qu’elle est belle et lui demande s’il est concevable de partager un repas avec elle. Est-ce la bonne manière, le bon moment ? Elle répond qu’il n’y a pas que la beauté qui compte et elle l’enchaîne, il ne sait vraiment pas comment, avec son désir d’être la confidente de passants, une façon d’aimer vraiment.

À un autre moment, il ne sait vraiment pas comment, il dit qu’il se doute qu’il n’est pas le premier et qu’il ne sera pas le dernier à honorer sa beauté. Il commence même à penser qu’il préférait que ceux qui allaient passer en restant là ; ce qui n’est pas son cas. En parlant de confidences, son désir si dense de l’emmener dans sa danse l’amène à méditer. Ne faut-il pas qu’elle aussi y pense ? Elle a contourné cette génuflexion de brillante façon en positionnant sa situation par rapport à celle des autres, une façon d’emballer son idée. Il aime sa façon de parler, une façon de se dérober. Avec convenance, elle habille son humanité et sa pensée censée d’un corsage de mots, une façon de déconcerter. Il ne sait plus dans quel ordre ça s’est passé. Elle ouvre le produit miracle pour l’étaler sur une partie de sa peau d’oracle. Imageant un nouveau contact l’hémisphère concerné s’est débrouillé. Il continue à étaler l’élixir à chaussures en effleurant la main laissée là sous la sienne, une forme de luxure. Il a pris la partie providentielle dans l’âtre pour inspirer la liqueur blanchâtre ; l’odeur âcre enivre ses idées, une façon de copuler. Bien sûr, il est venu avec une pensée préconçue. De toute évidence, ça devient confus. Comme il prend les places de « ciné » par millier, il projette de lui en donner une paire. Bien sûr, il préférait l’accompagner. Il ne sait plus dans quel ordre ça s’est passé mais, au moment de l’inviter au restaurant, elle ne dit pas non vraiment. Elle n’assène pas un « ça ne m’intéresse pas » ou le couperet assuré « Je suis marié » puisque c’est la réalité. Rien de tout çà ! « Je suis très prise ». Lui aussi sauf que, lui, il est très pris et beaucoup épris. Il veut chausser le temps pour que la Bethsabée rêvée soit très prise avec lui. L’aime-t-il vraiment ou aime-t-il cet instant ? La première personne évoquée est son fils. Il lui demande son âge ; son christ a dix ans et elle le crucifie en disant qu’elle en a un autre de huit ans. Probablement gardés par un berger en ce moment, pas de mari, pour l’instant. Justement, il s’octroie le désir de s’offrir le plaisir de donner sa paire de billets pour ce moment passé, déjà passé, avec elle, en lui livrant de quoi aller voir ou revoir le film du moment avec son plus grand. Après avoir filmé un « non », Bethsabée, l’ouvreuse de l’instant, accepte de se pourvoir du pouvoir de revoir la naissance du temps. L’important, c’est que le baptisé qu’elle a cru rencontrer ait été reçu en roi mage alors qu’elle ne connaissait pas son image une heure auparavant. De quelle façon aurait-elle perçu l’abandon de la cédille ? Que faire de la naissance de cet instant ? Comment le reconnaître? De quel avoir se contenterait la sébile? Être ou ne pas être à confesse ? L’important, c’est qu’il puisse lui rendre hommage mais quand et comment ? La vraie question qui l’a préoccupé le reste de la journée a été : cette Bethsabée serait-elle celle que son âme a imaginée ?

Il commence à échafauder une destinée avec celle qu’il ne connaît ni de nom, ni de prénom. Justement, il décide de la façonner en la baptisant Mona, une façon de condenser Moda Lorna, une façon de concentrer le passé. La vie, parfois, ce n’est pas compliqué. Justement, si cette vie, cette fois-là, il la poursuivait avec elle. Cela veut dire un divorce, des enfants avec des parents séparés, c’est compliqué, surtout pour elle. Si son âme, c’est vraiment elle, il ferait, sans hésiter tout pour qu’elle devienne sa moitié à part entière et même son entière à jamais. Il ne peut pas faire comme David : envoyer son mari à la guerre. Il se souvient, il ne sait vraiment pas comment, qu’elle a évoqué son amour pour la nature, son plaisir de reconnaître les plantes, son choix d’habiter loin, dans l’Ain, en pleine nature. Lui, il essaie de relier les mots pour les mêler aux siens, une façon de faire bien. Il évoque des personnages de tous âges et de tous visages avec ou sans beauté. Tout bien considéré, le gribouille part en quenouille, une façon de concéder. De toute façon, si elle est celle que son âme a choisie, la suite le dira et, elle aussi, trouvera la façon de faire selon son désir. Peut-il correspondre avec le sien ? Même si la suite est écrite, ce serait bien de l’écrire bien. Est-ce une façon de revenir dans le contexte quand elle lui demande s’il habite Aix-les-Bains ? Comme il attendait ce lien pour continuer son texte, il avait préparé ses coordonnées pour lui donner, une façon de s’adonner. Il parle même de son métier pour justifier le manuscrit présenté. Il fait comme si, lui aussi, avait quelque chose à vendre. La seule chose qu’il désire c’est de lui donner tout un lot sans contrefaçon. Comment accueillir ce cadeau ? Mona n’en dira mot. Les rêves du baptisé chaussent l’ordinaire. Dans quel hémisphère rencontrer sa belle ? Mona n’en a que faire. De toutes les façons,

ils ne peuvent pas s’aimer. L’amour, ce n’est pas comme un chausse-pied. En étalant l’onguent blanc sur sa main, ils ont senti, l’un et l’autre, l’autre envers l’un, l’un contre l’autre, par peaux interposées, que ce n’est pas de l’amour mais de la foi en l’être qui est là, à côté, de l’autre côté du comptoir, cette fois-là, de la foi en leurs histoires qui passent, ce jour-là, par la superposition des peaux. Samedi dernier, hier en fête, le 17 mai, jour de sa fête, enfin celui du saint qui porte son prénom ou l’inverse, le messager du jour, Yvan, à l’accent coloré, marchand de fois gras au comptoir du Sud Ouest, lui a désigné la Bethsabée du magasin d’à côté.