Un Mythe à Paris
Ce soir-là, le soir de la nuit blanche, Adam prend le métropolitain.
Il descend les escaliers par la bouche de Saint-Michel.
Il laisse derrière lui des monuments illuminés.
Une longue file d’attente cherche à pénétrer un lieu sacré.
Adam suit une à une les marches séculaires.
Dessous comme dessus, règne la lumière.
Son regard voyage sur les visages, blancs, noirs, jaunes,
aux formes si variées.
Son âme cherche à traverser les yeux sacrés
de celle qu’il aimerait rencontrer.
Des bouches aux formes voluptueuses, redessinées par un sourire,
survit un mot coloré.
Adam, « l’homme d’en bas », cherche sa correspondance.
Barbès Rochechouart, le passage est fermé pour cause de travaux.
Du visage d’un homme d’origine asiatique
surgit un regard égaré, pathétique.
« L’homme d’en bas » suit les voix.
Les murs murmurent des images de toutes sortes :
elles appellent, elles offrent des femmes en corps et en visages, dénudés.
Sur le quai, des yeux maquillés, affichés au mur, se collent à lui.
Du faciès anguleux, buriné de maturité, naît un temps de sagesse.
Sur sa peau, brunie par un soleil lointain, se lit un pays divin.
Sa bouche l’invite à venir la voir pour l'écouter parler de son histoire.
L’image clame le drame qui se trame !
Elle est là : trois mètres sur quatre, si présente, si absente.
Les passagers de ce voyage souterrain comprendraient-ils
qu’Adam lui réponde en vain ?
La rame, auréolée de lumière, sous la voûte noire de poussières,
sort du tunnel et s’allie au quai.
Adam monte au cœur du monde, ce soir de nuit blanche.
Métro Anvers, envers du décor. Il monte les marches une à une.
La nuit l’illumine et l’achemine vers l’hôtel.
Au fond d’un couloir d’entrée dénudé,
un homme de couleur basanée, assis sur une chaise,
accompagné d’un autre homme de couleur noire, resté debout,
lui dit qu’il peut l’héberger s’il paie ce qu’il faut.
Adam trouvant le montant un peu haut désira limiter le prix de sa nuit.
S’il descendit d’une moitié il ne pensa pas que son charme en fût la cause.
En entrant dans sa chambre, il comprit la chose :
pas d’interrupteur pour allumer.
Les fils sont dénudés pour cause de travaux. Pas de volets, ni de rideaux.
L’obscurité de la nuit s’allie à lui.
L’Ève de la chambre d’à-côté libère un cri.
Et si c’était l’image qui appelle, qui offre son corps ?
Ce soir-là, le cœur d’Adam est dénudé pour cause de travaux.